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Présidentielle en Algérie : Abdelmadjid Tebboune largement réélu avec 94,65 % des voix

Sans aucune surprise, le président sortant de l’Algérie, Abdelmadjid Tebboune, a été réélu dimanche 8 septembre pour un second mandat. Selon l’autorité électorale, M. Tebboune a recueilli 94,65 % des bulletins exprimés. Sur un total de 5,63 millions de « votes enregistrés, 5,32 millions ont voté pour le candidat indépendant » Tebboune, « soit 94,65 % des voix », a déclaré le président de l’autorité électorale, Mohamed Charfi.
Face au président sortant, seulement deux candidats étaient en lice : Abdelaali Hassani, 57 ans, chef du Mouvement de la société pour la paix (MSP, principal parti islamiste), qui s’est adjugé 3,17 % des voix, et Youcef Aouchiche, 41 ans, à la tête du Front des forces socialistes (FFS, plus vieux parti d’opposition), qui a obtenu 2,16 %.
Le président français, Emmanuel Macron, a adressé ses « plus vives félicitations » à M. Tebboune pour sa réélection, en soulignant la « relation exceptionnelle » qui unit les deux pays malgré des crises récurrentes.
M. Charfi n’a pas fourni de nouveaux chiffres sur le taux de participation, après avoir annoncé dans la nuit de samedi à dimanche « un taux moyen de 48 % à la fermeture des bureaux » samedi à 20 heures (21 heures, à Paris). L’affluence aux urnes était le véritable enjeu du vote, M. Tebboune voulant être « un président normal, pas un président mal élu » comme il y a cinq ans, a dit à l’Agence France-Presse (AFP) Hasni Abidi, analyste et directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cernam), à Genève.
Pour son premier mandat, M. Tebboune avait remporté l’élection de décembre 2019 avec 58 % des suffrages, mais la participation avait été de moins de 40 %. Le vote s’était tenu en plein Hirak, mouvement prodémocratie réclamant un changement du système en vigueur depuis l’indépendance de la France en 1962, et de nombreux partis avaient appelé au boycott. « L’élection [de 2024] a été marquée par une large transparence » et a « reflété la maturité électorale du peuple », s’est félicité dimanche le président de l’autorité électorale.
Néanmoins, dans une démarche inédite, les équipes de campagne des trois candidats, dont celle de M. Tebboune, ont dénoncé dans un communiqué commun, peu avant minuit, « des irrégularités et contradictions dans les résultats annoncés » par l’autorité électorale, disant vouloir « informer l’opinion publique du flou et des contradictions des chiffres de participation ».
Peu avant, Ahmed Sadouk, directeur de campagne du candidat islamiste modéré Abdelaali Hassani, avait exprimé sa « grande réprobation et son grand étonnement », qualifiant de « mascarade » les chiffres annoncés par M. Charfi, en particulier pour la participation. « Ces résultats portent atteinte aux élections et ternissent l’image du pays », a-t-il dit. Selon le MSP, il y aurait eu « des pressions sur certains responsables de bureaux de vote pour gonfler les résultats ». L’équipe de campagne a qualifié de « terme bizarre » le « taux moyen de participation » annoncé par l’autorité électorale, faisant la moyenne des relevés des régions. Le taux de participation correspond habituellement au nombre d’électeurs divisé par le nombre d’inscrits (24,5 millions au total).
Dans le communiqué commun, les trois candidats mentionnent aussi « une erreur dans l’annonce des pourcentages pour chaque candidat » et des « données contradictoires avec les procès-verbaux de dépouillement des voix » remis à l’autorité électorale par les commissions électorales locales.
La réélection de M. Tebboune, 78 ans, était d’autant plus acquise que quatre formations de premier plan soutenaient sa candidature, notamment le Front de libération nationale (ex-parti unique) et le mouvement islamiste El Bina. « Le vainqueur est connu d’avance », compte tenu de la « qualité », du « nombre inhabituellement réduit » des concurrents et des « conditions dans lesquelles s’est déroulée la campagne électorale, qui n’est qu’une comédie », estimait sur Facebook Mohamed Hennad, expert en sciences politiques.
Aidé par la manne du gaz naturel dont l’Algérie est le premier exportateur africain, M. Tebboune a promis de revaloriser retraites et salaires, de créer 450 000 emplois, des logements et de faire de l’Algérie « la deuxième économie en Afrique ». Selon M. Abidi, le score record de M. Tebboune n’est « pas une surprise au vu du profil de ses concurrents et des moyens déployés » pour sa campagne.
Mais « il n’a gagné que 319 000 voix depuis 2019 et n’a fait déplacer qu’un peu plus de 5 millions d’électeurs sur 24 millions d’inscrits, soit moins d’un quart. Un échec qui exige une refonte en profondeur de sa politique », a déclaré M. Abidi dimanche à l’AFP. « C’est une victoire aux allures d’alerte », faute notamment d’avoir conquis l’électorat des jeunes, qui représentent plus de la moitié des 45 millions d’Algériens et un tiers de l’électorat, selon M. Abidi. Sans révision de « sa méthode de gouvernance et sans changements dans son équipe », le « déficit de démocratie » dans son bilan pourrait constituer un handicap dans son nouveau mandat, a ajouté l’analyste.
Si M. Tebboune n’a pas évoqué ce dossier, ses rivaux avaient promis pendant leur campagne plus de droits et libertés politiques et des médias. Selon le Comité national pour la libération des détenus, des dizaines de personnes liées au Hirak ou à la défense des libertés sont toujours emprisonnées ou poursuivies. Avant le vote, l’ONG Amnesty International a accusé le pouvoir de continuer à « étouffer l’espace civique en maintenant une répression sévère des droits humains », avec des « arrestations arbitraires » et « une tolérance zéro des voix dissidentes ».
Le Monde
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